Communication écrite, le maillon faible ?

Communication écrite, le maillon faible ?

J’ai bien connu, à la fin des années 90, le directeur marketing France d’une multinationale qui opérait un classement vertical systématique de toute plaquette en provenance de prétendues agences de communication (pub, promo, RP...) et comportant plus de 3 fautes d’orthographe. De la même manière, il était sans pitié pour les propositions mal argumentées, à la syntaxe douteuse ou dont les auteurs, pensant probablement que la décision se ferait au poids, noircissaient 15 pages là où 5 auraient amplement suffi.

Résultat : la dame du ménage le détestait ; sa corbeille était toujours pleine !

Oui, mais ça, c’était avant. Les nouvelles technologies passées par là, la tâche des dames de ménage s’est sans doute allégée. Windows et Office se chargent de vider votre corbeille, sans broncher. N’empêche, ce qui était vrai en matière de communication écrite il y a vingt ans l’est encore aujourd’hui. Voire plus, parce que, disons-le tout net, vous n’avez plus d’excuses ! Ou en tout cas un peu moins : Word souligne d’une élégante vaguelette rouge vos fautes d’orthographe ou les mots qu’il ne reconnait pas. Un double trait bleu vous signale une conjugaison approximative, un accord défectueux ou une inattention typographique.

En revanche, il ignore totalement le contresens le plus évident. Tenez, essayez donc d’écrire : « Sans ce texte, l’auteur souhaites laisser une emprunte littéraires marquante ». Cette phrase réunit 4 types de faute :

1. « Sans » au lieu de « Dans ». C’est ce qu’on peut appeler une « coquille », qui en l’occurrence crée un début d’interrogation. (Entre nous, quelle idée, franchement, d’avoir placé le « d » juste à côté du « s » !)

2. « souhaites » au lieu de « souhaite » : cette conjugaison mal maitrisée constitue une faute de grammaire

3. « emprunte » au lieu de « empreinte » : faute d’orthographe classique, due à un homonyme plus qu’hasardeux. Le contresens dans toute sa splendeur !

4. Sans oublier la redondance entre « empreinte » et « marquante » ...

Le tout donne une phrase bizarre. Il faut être un ordinateur pour ne pas s’en étonner !

Si communication écrite et communication orale vont bien souvent de pair, la première possède des règles bien plus strictes. Alors, ce que les correcteurs automatiques ne feront probablement jamais, c’est à vous, managers, commerciaux, agences, de le faire. En effet, à l’heure du multimédia immédiat, des like* intempestifs et des chaines-YouTube-sinon-rien, les raisons de bien écrire ne manquent pourtant pas.

Raison n°1 : mettre la communication écrite au service de l’oral

Il n’est de richesse que d’hommes (Jean Bodin, 1577)

S’il est un domaine où cet aphorisme s’applique, c’est bien dans l’échange de bonnes pratiques. Réunissez pendant une journée vos 5 meilleurs commerciaux. (Sans leur téléphone portable, merci.) Demandez-leur quel discours ils utilisent pour argumenter sur leurs produits.

Premier constat : au cas où vous en doutiez, des connaissances et savoir-faire précieux résident chez les femmes et les hommes de terrain. A la fin de la journée, et pour peu que les échanges aient été convenablement animés, chacun ressort avec quelques « trucs et astuces » nouveaux qu’il ne soupçonnait pas en arrivant. La démarche est d’autant plus intéressante que les entreprises prennent rarement le temps de la mettre en œuvre. A cet apprentissage mutuel vient s’ajouter le bénéfice collatéral que constitue la valorisation des heureux élus.

Second constat : la tendance naturelle – et c’est d’autant plus vrai chez les technico-commerciaux – consiste à énumérer des caractéristiques plus que des avantages. Si les ingénieurs apprécient les performances chiffrées, ce langage a souvent besoin d’être adapté pour séduire les responsables achat, et plus encore le client final !

Restitués « bruts de fonderie », les discours commerciaux méritent alors une optimisation, un polissage. Loin de nous l’idée d’uniformiser ou d’aseptiser. En revanche, harmoniser et rendre cohérent un discours pour le faire s’approprier par l’ensemble de la force de vente, voilà le véritable objectif de cette forme particulière de communication écrite.

Ecouter, réécrire, partager, entraîner. La méthode s’applique pour toutes sortes de discours, à toutes les phases de l’acte de vente, de l’elevator pitch à la conclusion.

Raison n°2 : rendre le parcours on-line agréable grâce à une communication écrite impeccable

Donner envie de passer à l’étape suivante, voilà la mission de vos écrits. Pure player ou pas, les marques communiquent toutes sur Internet. De deux choses l’une : soit le parcours client inclut nécessairement une rencontre en face-à-face, et le rôle de la communication écrite est de préparer le client à cette expérience, soit ce n’est pas le cas et... raison de plus pour, justement, soigner une communication écrite livrée à elle-même.

Que ce soit la page d’accueil de votre site Internet, celle consacrée à la description de vos produits et services, ou encore la promesse contenue dans votre campagne mailing ou e-mailing, votre communication écrite doit être à la hauteur de l’image que vous souhaitez donner.

Cela tombe sous le sens, n’est-ce pas ? Et pourtant, les contre-exemples sont légion !

Première illustration dans l’industrie : avouez qu’il est dommage de revendiquer un positionnement « made in France », de proposer des machines-outils conçues par des ingénieurs et vendues par des commerciaux « Bac + 5 » pour, dans le même temps, donner à lire un site « made in CM1 ».

Autre exemple, dans les services cette fois, où la dimension personnelle compte énormément. Vous feriez confiance, vous, à une entreprise parisienne de taxis haut de gamme prétendant apporter un soin de tous les instants à la relation client, dont le site Internet est littéralement truffé de fautes d’orthographe ? Considérer la communication écrite comme... la cinquième roue du carrosse**, quelle négligence !

Un dernier cas : à une époque où le mailing papier semble renaître de ses cendres, une marque française d’automobiles convie ses clients privilégiés à découvrir son tout dernier modèle. Champagne, petits fours, hôtesses, tout est prévu. Et de terminer le courrier par « Appelez vite notre succursale pour réserver votre essai, nous serons heureux de vous acceuillir... » Bel accueil en effet !

Raison n°3 : en matière de communication écrite, la forme doit porter le fond

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément... (Nicolas Boileau, 1674)

La réciproque est vraie aussi : un français maladroit trahit de fait un empressement coupable, donne a minima le sentiment du travail bâclé, au pire celui d’une réflexion inaboutie, dans tous les cas d’un manque de professionnalisme.

Tout est affaire de cohérence. Comme on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, on ne séduit pas un client, par ailleurs hyper-sollicité, avec des offres rédigées en mode amateur. La communication écrite est l’une des facettes de l’image de votre entreprise. Elle y contribue tout autant qu’un spot radio – où le risque de faute d’orthographe est remplacé par le spectre de la liaison « mal-t’à propos » – une offre d’emploi ou le comportement de vos commerciaux, ambassadeurs de votre marque.

Comme une maladresse de langage peut tout gâcher lors d’un entretien de vente, une syntaxe médiocre et des mots mal choisis peuvent nuire gravement à la santé de votre communication. Imaginez la situation suivante : à travers l’article que vous venez de rédiger, vous apportez un regard neuf sur un sujet important lié à votre marché. Vous le savez : l’article est susceptible d’être lu, commenté et partagé des centaines, voire des milliers de fois sur les réseaux sociaux, parce qu’il apporte une véritable valeur ajoutée. Impensable alors de ne pas apporter à la forme (le contenant) autant d’attention qu’au fond (le contenu). Au-delà des idées et des faits, le ton doit être juste, la syntaxe fluide, l’orthographe irréprochable. En un mot, votre communication écrite doit être à la hauteur de vos enjeux commerciaux.

On a coutume de dire qu’une image vaut 1000 mots. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Si l’image illustre et émeut, le mot détaille, argumente, convainc et incite à l’action. Au risque d’insister, qu’il y ait ou pas rencontre physique, le juste équilibre des mots et des images, la légende concise, le commentaire approprié contribuent tous à laisser une empreinte commerciale inoubliable.

Directement ou indirectement, la communication écrite a un rôle majeur à jouer dans la décision d’achat. En tant que maillon d’une chaine, sa qualité détermine en partie celle de l’ensemble du discours de l’entreprise, au sens général du terme. A vous d’en faire le maillon fort !

* Comment écrire « des like » ? Sans s : 685'000'000 résultats. Avec s : 112'000'000. J’ai retenu l’option la moins utilisée, qui n’est pas la moins logique...

** Voir l’excellent site www.expressio.fr pour connaitre l’origine de cette expression et de milliers d’autres