SOS d’un vendeur en détresse

SOS d’un vendeur en détresse

Quelles leçons ai-je retenues de ces dix dernières années de profonde remise en cause des pratiques commerciales ? Récapitulons.

Leçon n°1 : Ce n’est pas nouveau mais les vendeurs n’ont pas la cote !

Déjà en 2010, une étude de l’IFOP, publiée par lemonde.fr, mettait en avant le jugement sévère des français à l’égard de la fonction commerciale. Considéré comme inutile, dépassé, voire incompétent et intrusif, le vendeur inspirait déjà de la défiance à en être « maudit » selon la publication. Sa simple présence pouvait même s’avérer contreproductive au moment de la conclusion, s’il se montrait trop insistant ! Depuis, les études sur les parcours d’achat ont montré que la rencontre avec le vendeur est de plus en plus tardive… lorsqu’elle est maintenue. La vente est un sport à handicap !

Leçon n° 2 : la seule confiance en soi ne remplace pas la compétence

En une décennie, la facilité d’accès à une information pléthorique et apparemment gratuite a développé chez les clients un sentiment d’autonomie illusoire et de méfiance exacerbée. Cette volonté d’indépendance et cette quête du libre arbitre face à la décision est à l’origine du mouvement des « autonomistes de l’achat ».
La première génération d’acheteurs « autonomistes », que j’appellerais le canal historique était pacifiste et contrôlable. C’est grâce à une assurance construite sur un vernis de connaissances récemment acquises et à une capacité à vérifier la fiabilité des arguments en temps réel, que ces « autonomistes » pouvaient tenir tête et parfois déstabiliser des vendeurs peu expérimentés.
En revanche, pour les commerciaux aguerris et préparés, cette illusion de connaissance était facilement contrée par quelques questions, le plus souvent d’ordre technique, suffisamment complexes pour rester sans réponse.
Le client autonomiste perdait alors de sa superbe et se trouvait confronté à sa propre incompétence et aux risques d’erreurs qui l’accompagnent.

Leçon n° 3 : les médisances et les calomnies sont la ressource des têtes vides

Il faut bien l’admettre, le client connecté s’adapte rapidement. Un nouveau courant autonomiste radical, de type « canal hystérique » cette fois, polémique et ingérable a fait son apparition ces dernières années. Utilisant les réseaux sociaux comme arme de destruction massive, ce canal hystérique de l’achat contrôle de nombreuses situations par un pouvoir de nuisance considérable qui contraint vendeurs et entreprises à souvent céder face à une menace. Le risque est omniprésent d’entacher une réputation devenue tellement fragile et éphémère.
Difficile, en effet, pour le commun des mortels de faire la différence entre, d’un côté, des témoignages sincères de clients signalant la défaillance d’un produit ou d’un service et de l’autre, des communications calomnieuses – parfois tarifées – qui circulent pour affaiblir un concurrent devenu gênant.

Leçon n° 4 : Une nouvelle espèce de vendeurs connectés s’est infiltrée

Bafouant les règles de transparence d’une carte de visite où s’affichent clairement le nom du commercial, celui de son entreprise et des marques qu’il développe, de nouveaux acteurs du monde commercial en ligne cassent les codes en générant des millions de vues et d’interactions virtuelles…. pendant que moi, vendeur traditionnel, je tente maladroitement d’obtenir des rendez-vous avec des prospects qui ne perçoivent pas l’utilité de me recevoir.
L’influence de masse insidieuse et incontrôlée des blogueurs et influenceurs du net repose sur 3 forces :
- Une exploitation poussée des biais cognitifs et des techniques d’influence associées
- La parfaite intégration de l’irrationalité des comportements humains
- Une réelle maitrise des nouveaux codes et outils de communication

Ces nouveaux « vendeurs masqués » sont ainsi devenus maitres dans l’art de capter, capturer et détourner l’attention, véritable pilier de tout processus d’influence.

Leçon n° 5 : faire preuve de discernement dans la sélection des messages, c’est satisfaire à l’exigence d’une information immédiate, digeste et mémorisable

Alors que les progrès scientifiques semblaient avoir quasiment éradiqué les famines et les épidémies en deux décennies, alors que le niveau de vie progressait, de nouvelles aspirations et attentes étaient exprimées avec force et véhémence, preuve d’un profond malaise sociétal.
Dans un contexte très émotionnel, d’incertitude, de peur et de colère, chacun s’est octroyé « le droit de savoir » en temps réel en exigeant des autres, transparence et « devoir d’information » pour assouvir son besoin de compréhension.
Pire, l’incapacité à apporter une solution immédiate, voire à anticiper le problème est dorénavant perçue comme une anomalie impardonnable, un signe d’incompétence et même parfois même de malveillance.
Pour répondre à cette boulimie de connaissance, nous sommes submergés d’informations trop nombreuses pour être correctement ingérées et mémorisées.
Ajoutez à cela quelques contenus avariés et contradictoires et l’indigestion est garantie.
En fait, le « Trop d’information » tue plus le raisonnement que le manque d’information ».

Leçon n°6 : les nouveaux processus d’influence sont trop puissants pour être considérés comme de simples techniques de vente

Comme le disait Céline : « C’est des hommes et d’eux seulement, qu’il faut avoir peur, toujours ». En tant que vendeur, je m’interroge sur la responsabilité sociétale de celles et ceux dont la sélection et la transmission de l’information sont le métier.
Les fabuleuses découvertes sur la compréhension du mode de fonctionnement du cerveau humain, des mécanismes de prise de décision, du rôle prépondérant des émotions sur les comportements, ouvrent une voie de réflexion profonde sur l’usage que l’homme doit faire de ces nouvelles connaissances.
Une mauvaise exploitation peut être redoutable. En effet, une telle arme mise entre les mains de « vendeurs » peu scrupuleux et à l’éthique discutable serait dévastatrice.
La « contagion émotionnelle » pourrait devenir un nouvel outil de manipulation de masse véhiculée par des réseaux dits « sociaux », mais devenus souvent asociaux et parfois assassins.

Leçon n° 7 : les processus de vente doivent être revisités et les interactions plus contrôlées

Vendre ne signifie plus imposer une solution à un client.
Vendre, c’est l’aider à prendre la bonne décision. Celle qui répond à ses aspirations tout en préservant une dose de raison nécessaire pour le préserver de la dérive de ses passions.
Seule une démarche humanisée, éthique et responsable garantira la pérennité de la relation commerciale et la solidité de la réputation des entreprises, des marques et des hommes qui les font vivre.
Sur l’intégralité du parcours d’achat, du tracking des prospects en amont au suivi des témoignages clients en aval, les pratiques commerciales reposant sur les outils numériques exacerbent les réactions de suspicion, de méfiance et de défiance des clients.
Une confiance retrouvée vis-à-vis de la fonction commerciale passerait-elle par un meilleur encadrement des pratiques, voire leur contrôle ? Et pourquoi pas une labellisation de la communication commerciale, une autorégulation, au même titre que celle exercée par l’ARPP sur la publicité, qui pourrait vérifier le caractère « sain, véridique et loyal » des contenus et des processus d’influence utilisés.

Leçon n° 8 : une relation solide et pérenne repose avant tout sur la confiance

Tirons les conséquences de l’expérience vécue récemment.
Cette crise sans précédent par son ampleur médiatique, disproportionnée au regard de l’impact sanitaire à l’échelle de l’humanité, a confirmé que :
- Dans un contexte d’incertitude la prise de décision est extrêmement complexe
- En l’absence de visibilité, les comportements sont plus irrationnels et versatiles
- En l’absence de données fiables et acceptées, les peurs et les polémiques gagnent du terrain plus vite que les virus
- Sans une autorité de compétence reconnue et acceptée, il est impossible d’établir durablement la confiance
- Le risque de voir le pouvoir passer entre les mains de ceux qui cherchent à séduire en jouant sur l’émotion, au détriment de ceux qui tentent de convaincre par la raison est très présent

Même plus peur !

J’ai acquis la conviction qu’une relation solide et pérenne repose avant tout sur la capacité à inspirer, gagner, et conforter cette confiance.
En période de crise, un client est en recherche :
- De compétence qui rassure
- De bienveillance qui séduit
- De connivence qui rapproche
Qui mieux qu’un individu, éthique et responsable pourrait les lui apporter ?
C’est le rôle du nouveau vendeur.
Dans ce cas, l’heure d’aller du musée de l’obsolescence n’est pas encore arrivée !