Fonction commerciale : la relève est-elle bien assurée ?

Fonction commerciale : la relève est-elle bien assurée ?

La fonction commerciale n’a jamais eu la réputation de susciter des vocations chez les étudiants. Dans les écoles de commerce, l’option « Vente » – quand elle existe – n’est pas celle qui attire le plus de candidats. Une fois arrivés sur le marché, ces jeunes considèrent la vente comme au mieux un simple passage, au pire un mal nécessaire. Dans tous les cas une épreuve obligée pour accéder aux fonctions marketing ou management qui font rêver, certainement pas une opportunité de carrière à long terme.

Qu’en est-il de cette nouvelle génération appelée « milléniale » ? D’où vient cet engouement et comment expliquer la profusion d’études sur ses attitudes et comportements ?

Pour la première fois dans notre histoire, le vieil adage : « Une jeune branche prend tous les plis qu'on lui donne » est remis en cause. Il est fort possible que ces jeunes ne s’adapteront pas aux entreprises mais que celles-ci devront s’adapter à eux. Voilà qui n’est pas gagné et promet de belles passes d’armes intergénérationnelles car si « Le jeune a la dent longue, le vieux a la peau dure. »

Alors qui sont-ils véritablement ? Quels commerciaux deviendront-ils ? Et comment la fonction commerciale devra-t-elle évoluer pour mieux les intégrer ?

Les millenials englobent la génération Y (née entre 1980 et 1995) et la génération Z (née entre 1996 et 2010). Même si ces générations partagent de nombreux traits profonds caractéristiques, elles se différencient sur deux points. D’une part, la génération Z est, dit-on, plus sélective, créatrice et dans l’action que la précédente. De l’autre, leurs différences sociodémographiques et de niveau d’études constituent des frontières très significatives.

S’ils ne constituent aujourd’hui qu’un bon tiers des actifs, ils représenteront en 2020 plus de 60% de la population active, et seront à ce titre au cœur des préoccupations commerciales de l’entreprise, aussi bien comme acteur de la fonction commerciale qu’en tant que client de cette dernière.

Une génération de technophiles impatients et émancipés

Ces jeunes ont un point commun incontestable : ils sont des enfants du numérique, des digital natives.

Quasiment nés avec un iPhone à la main, ils ont dès leur plus jeune âge surfé sur les réseaux sociaux et sont des individus ultra-connectés… virtuellement parlant.

Leur pratique quotidienne de Facebook et Instagram, entre autres, en fait des collaborateurs qui ont du mal à ne pas continuer de surfer durant leur journée de travail sur leurs réseaux personnels.

Elevés à cette réactivité permanente et à l’instantanéité liée aux nouvelles technologies, ils s’inscrivent dans l’immédiateté et développent une forme d’impatience qui peut être pénalisante dans les ventes.

L'impatience gâte toutes les vertus. / Proverbe allemand

Habitués à accéder à la connaissance nécessaire en temps réel, ils ont le sentiment de ne plus avoir besoin d’apprendre, ce qui semble pouvoir les émanciper de toute forme de tutelle managériale.

Sensibles à leur image et à leur « popularité », victimes des « like », ils sont habitués au feedback, à la gratification ou à la sanction immédiates... ce qui est en revanche le quotidien du vendeur.

Adeptes du zapping, ils peuvent bien plus rapidement que leurs ainés – et sans regret –quitter l’entreprise qui ne les reconnait pas, ne partage pas leurs valeurs et ne les intègre pas suffisamment au sein de projets collectifs motivants.

Une fonction commerciale digitalisée et responsable

La vente du troisième millénaire a besoin de technophiles charismatiques, autonomes et solidaires / G. Baillard

Est-ce compatible avec les caractéristiques de cette génération ?

1. La fonction commerciale est et sera encore plus digitale

Pour entrer en résonance avec son interlocuteur, le commercial d’aujourd’hui et plus encore celui de demain possède le goût et la parfaite maîtrise des réseaux sociaux professionnels. Il se montre capable d’assimiler et d’animer les parcours client on line et les interactions numériques. En un mot, il sait gérer l’ensemble des cheminements digitaux.
Cette révolution commerciale digitale est plus facilement acceptée par ceux qui ont naturellement cette agilité numérique. Ils ont plus de facilité et de plaisir que leurs ainés à s’investir dans ces domaines et à se réaliser dans des écosystèmes digitalisés.
Ils apprécient les tablettes qui dynamisent les entretiens de vente et les solutions numériques qui allègent le travail administratif.

2. La fonction commerciale offre des opportunités de travail à distance et d’autonomie

Pour des millennials en recherche d’autonomie et de liberté de gestion de leur temps personnel, la fonction commerciale réunit des avantages que peu de fonctions offrent sur ces deux plans, ce qui peut en faire un atout d’attractivité pour ces jeunes, à condition toutefois d’adapter le style de management. Le manager est attendu sur sa capacité à « éduquer » ses équipes de vente, pour en faire des acteurs intelligents, émancipés, maîtrisant tous les outils d’analyse et d’autopilotage de leur activité.

3. La mission commerciale devient transversale

Avec l’évolution des parcours d’achat, la vente ne concerne plus uniquement un traditionnel face-à-face vendeur / client dont l’issue avait pour effet de marginaliser le commercial dans l’entreprise, en le stigmatisant dans l’échec et en le glorifiant exagérément dans la réussite.

La performance commerciale de l’entreprise est plus que jamais la résultante d’un long processus de séduction collectif reposant sur une multitude d’actions et d’interactions assurées par des acteurs répartis dans différents services.

De la génération de leads par une démarche de Social Selling en amont, à la gestion en bout de chaine des retours clients post-achat, en passant par la contractualisation de la transaction, c’est sur un ensemble de maillons humains que repose la réussite.

Dès lors, le décloisonnement, l’esprit collaboratif et l’émergence de l’intelligence collective prennent tout leur sens et deviennent non seulement des facteurs-clés du succès commercial, mais aussi les garants de l’adhésion et de la mobilisation de ces jeunes.

4. La fonction commerciale doit s’adapter en permanence

Avec l’accès à une information de plus en plus multiple et de sources variées – et parfois non maitrisées comme les forums – couplée à une grande rapidité de circulation, les avantages concurrentiels sont de plus en plus éphémères. Aussi s’agit-il d’ajuster en permanence les argumentaires de vente et de faire preuve de réactivité et d’agilité.

Les anciennes bibles commerciales que devaient appliquer mécaniquement les vendeurs ont perdu de leur attrait et sont remises en cause par une génération qui rechigne face aux approches traditionnelles de prospection utilisées par ses ainés.

Souvent dubitatifs, parfois ouvertement critiques face à des pratiques qu’ils jugent dépassées, comme la prise de rendez-vous téléphonique ou le courrier rédigé et argumenté, ces jeunes souhaitent s’impliquer et apporter leur pierre à l’édifice à travers des approches différentes et des pratiques en phase avec les nouveaux parcours d’achat et les nouvelles générations d’acheteurs.

Confrontés dès leur plus jeune âge à des technologies évolutives, leur adaptabilité s’est développée. Pour capitaliser sur cette qualité, l’entreprise se doit ainsi d’être ouverte, collaborative et apprenante afin de ne pas se figer dans des modélisations trop vite obsolètes.

5. La mission commerciale devient plus riche et valorisante

Quand il rencontre pour la première fois le commercial, le client a déjà beaucoup cheminé dans son parcours d’achat : sites internet, forums de consommateurs, simulateurs de configuration produit… Il en sait parfois plus que certains prétendus « conseillers », inexcusablement étrangers à ces sources d’information.

Le client attend beaucoup de cet entretien en face-à-face. S’il fait l’effort de se déplacer, c’est pour rencontrer un interlocuteur fiable qui sait créer les conditions d’une expérience unique, source de véritable ajoutée. Et non pour vivre une expérience plus médiocre que celle qu’il aurait lui-même générée en continuant de naviguer sur la Toile, sans effort véritable.

Dans ces conditions, la dimension conseil est indispensable et porteuse de sens, tant pour le commercial que pour le client. Une notion d’expertise faite pour séduire les millennials.

L’exigence d’excellence dans l’entretien commercial revalorise le métier même de vendeur et renforce son attractivité. La technologie aidant, les démonstrations économiques qui s’appuient sur des simulateurs performants apportent des preuves tangibles et renforcent une crédibilité parfois mise à mal.

Mais pour que cette expérience soit unique, il convient également de lui ajouter une autre dimension. En effet, 95% des décisions seraient prises par notre subconscient et nos émotions. La maitrise de ce levier émotionnel devient donc à son tour une compétence incontournable des commerciaux de demain.

La passion commande, et la raison retient. / Proverbe français

C’est sur ce dernier plan que j’attire particulièrement l’attention des managers. La vente reste un métier d’influence et de persuasion qui repose sur une qualité de discours, une rhétorique, l’usage du bon mot, de la tournure de phrase qui séduit, de l’histoire qui parvient à émouvoir, de la référence culturelle qui stimule la mémoire et crée une complicité.

Ces savoir-faire de communication et de persuasion reposent sur des aptitudes innées, variables d’un individu à l’autre et fortement influencées par notre environnement socio-culturel. Mais cette nouvelle génération est plus habituée à un mode d’échange factuel simplifié et codifié, de type SMS, qu’à une communication émotionnelle, construite et travaillée.

L'éloquence est l'art d'émouvoir et de bien convaincre. / Edme de La Taille de Gaubertin

L'art de bien parler, l'aptitude à s'exprimer avec aisance qu’on appelle éloquence a indéniablement été pénalisé par les nouveaux outils de communication, où l’image à tendance à remplacer si facilement le mot.

C’est certainement l’une des zones prioritaires sur lesquelles l’entreprise doit investir pour faire réussir cette génération de technophiles émancipés qu’il convient de rendre éloquents et charismatiques.

De plus en plus digitale, plus riche, plus transversale et plus valorisante que jamais, la fonction commerciale a toutes les cartes en main pour séduire des millenials en quête de reconnaissance tout autant que d’autonomie. A condition de savoir s’adapter en permanence et de réinventer ses modes de management.

Pour poursuivre la réflexion, cliquez ici pour lire l’article « Faut-il libérer les forces de vente ? »